La dernière présentation de l’Anteprima Montefalco Sagrantino édition 2023 fut un véritable enchantement.
Nous avons dégusté les Montefalco Sagrantino DOCG livrables 2019, millésime exceptionnel, classé 5*, sachant que depuis presque cinq décennies il était seulement le 8e à obtenir ce grade.
Il y a une bonne dizaine année, j’ai découvert le Sagrantino, sur les collines à Montefalco, dans son fief, au cœur de l’Ombrie. C’était une véritable révélation, car ce cépage rouge si particulier, ne ressemble à aucun d’autre, considéré comme l’un de plus tannique au monde, qui donne de vins quasi noirs, très concentrés avec un fort niveau d’alcool, allant même jusqu’à 17 degrés.
Au fil de temps, de dégustations, de rencontres avec de producteurs, passer le temps à regarder leurs méthodes de travail, de vinifications, d’élevage, aller dans les vignobles, bref petit à petit, je l’ai compris, l’ai apprivoisé, et aujourd’hui je le considère comme le cépage le plus incroyable et le plus déroutant que j’ai pu connaître et déguster.
Donc, vous avec compris, que Montefalco Sagrantino peut sortir en livrable seulement à la 4e année d’élevage, pour être juste il doit rester en élevage 37 mois à partir de décembre de l’année de vendange, dont minimum 12 mois obligatoirement sous-bois et minimum 4 mois en bouteille. Il s’agit du cahier de charges à respecter pour le label Montefalco Sagrantino DOCG.
Sachant que de très nombreux vignerons gardent les cuvées de Sagrantino beaucoup plus longtemps. Aujourd’hui on trouve sur le marché les millésimes de 2014 à 2018 selon les producteurs, le 2019 en livrables ne sortira pas non plus tout de suite, aucune précipitation pour certains, il sortira quand il sera prêt à boire.
Au fil des années et de dégustations, je constate que l’image de Sagrantino change, il y a une véritable évolution dans son style. Grâce à de nombreuses recherches menées sur la conduite de la vigne, les modes d’élevage, utilisation de divers contenants comme : les tonneaux, les foudres, les demi-muids, les barriques ou encore des amphores, afin de réduire le côté tannique du vin en le rendant plus « aimable », plus souple, plus élégant, plus sophistiqué, bien évidemment sans toucher à l’identité même du cépage Sagrantino.
Quand on est en présence d’un cépage, si particulier, si identitaire, on adhère ou on n’adhère pas, heureusement que les vignerons restent fidèles à préserver les caractéristiques mêmes du cépage, Sagrantino doit toujours rester Sagrantino.
Les origines de Montefalco Sagrantino sont très anciennes, il est probablement d’origine grecque, issu par la sélection de clones locaux et ceux importés par de moines byzantins.
En revanche, le premier document officiel citant le nom du cépage Sagrantino remonte au XVI° siècle.
Les raisins étaient probablement récoltés par les moines franciscains qui en obtenaient un breuvage destiné aux rites religieux, dont serait issu le terme Sagrantino.
À partir de la première moitié du XIV° siècle les statuts communaux de la région comportaient déjà des lois régissant le cépage et le vin.
En 1549, une ordonnance communale établissait officiellement la date du début des vendanges.
À ce jour, chaque année, la commune de Montefalco fête officiellement le ban de vendange avec la lecture par la Confrérie de Sagrantino de l’ordonnance originale de 1549.
Sagrantino a eu une évolution qualitative et quantitative spectaculaire, en 1979 il a été reconnu en DOC (AOC), en passant en DOCG (AOC++) en 1992.
En 30 ans il a battu tous les records, en passant de 66 ha de vignes en 1992 à 390 ha en production en 2022. Les 116 viticulteurs produisent Montefalco Sagrantino DOCG, dont 69 embouteillent sur sa propre étiquette.
À l’origine, le Sagrantino était produit dans sa version passito, donc le vin moelleux à la base de raisins passerillés, consommé surtout pour de grandes occasions et pour de fêtes.
Seulement au début des années 70, et grâce à l’action de quelques vignerons comme Arnoldo Caprai, ensuite son fils Marco (Azienda Agricola Arnoldo Caprai) qui ont cru au potentiel et à la grande qualité de Sagrantino, aussi et surtout dans sa version non sucré. Ce cépage 100% autochtone a pu redorer son image et poursuivre son extension à Montefalco et passer de 66 ha de vignes à 390 ha plantés aujourd’hui. L’aventure n’est pas finie, il devient plus en plus en vogue.
En revanche, sa production est très ciblée, il est produit exclusivement sur les collines de Montefalco et en partie dans les municipalités voisines : Bevagna, Castel Ritaldi, Giano dell’Umbria et Gualdo Cattaneo.
Le marché de Sagrantino se porte bien avec 38% d’exportations dans une cinquantaine de pays dans le monde, dont les principaux marchés sont : les États-Unis (13%), l’Allemagne, Belgique et Japon.
Millésime 2019 5*
Le début de l’année 2019 a été marqué par une période sèche jusqu’à mi-mars avec une reprise végétative assez régulière. Les pluies abondantes d’avril et mai, avec des températures plutôt froides pour la période, ont apporté une accumulation considérable d’eau dans les sols, compensant de rares précipitations hivernales.
Les périodes le plus chaudes ont été enregistrées en juin et en juillet, suivies de journées sèches, sans pics de chaleur importent jusqu’à la mi-août. Fin aout et début de septembre ont connu quelques précipitations orageuses qui ont rééquilibré la maturation des raisins. La deuxième moitié de septembre, a été sèche et ensoleillé, ce qui a permis une récolte optimale de Sagrantino (qui est une variété tardive) en octobre en parfait état sanitaire, rentrer dans la cave les raisins de la plus haute qualité.
Tout était réuni pour la production de vins très équilibrés, fins et frais avec des acidités remarquables, dynamiques, structurés et précis. La structure tannique est racée et ciselée. L’aromatique de fruits en bouche est très présente, les épices douces, quelques notes torréfiées s’ajoutent au tableau.
Oui, ce n’est pas très commun d’avoir le Sagrantino qui se livre déjà avec une certaine facilité et en même temps il nous met en garde pour un très long vieillissement.
C’est un millésime assez paradoxal qui a fait de très grands Sagrantino, qu’on découvrira au fil des années à venir, pour de grands millésimes comme 2019, il faudra donner le temps au temps.
2019 était non seulement une année exceptionnelle, mais aussi la plus généreuse dans les cinq dernières années de 2018 à 2022, avec une production de 2 millions de bouteilles environ.
Coups de cœur Montefalco Sagrantino 2019 (millésime 5*)
Moretti Omero – Vignalunga
Bocale
Antonelli San Marco
Romanelli – Medeo
Scacciadiavoli
Lungarotti
Colle Ciocco
Arnoldo Caprai – Valdimaggio
Arnoldo Caprai – 25 Anni
Tabarrini – Colle alle Macchie
Tenuta Lunelli Castelbuono – Carapace
C’est un choix parmi les 24 étiquettes présentées en dégustations sur ce millésime, tous, les vins embouteillés, qui peuvent déjà sortir sur le marché, mais pour certains de producteurs il restera encore en affinage avant la commercialisation.
En revanche, les échantillons sur fût ont complètement disparu de cette dégustation technique, considérée comme trompeuse pour le jugement final et complètement en décalage par rapport aux vins embouteillés
.
Donc, nous avons pu découvrir selon les producteurs, de Sagrantino dans de millésimes plus anciens (2014-2018), ceux qui sont actuellement sur le marché.
Je trouve que c’est une excellente décision de la part de Consortium, de ne plus accepter des échantillons sur fût, ça permet une vision beaucoup plus précise sur les vraies capacités de Sagrantino à travers des âges et de modes d’élevage pour de vins qui sont proposés aujourd’hui sur le marché.
Sélection de quelques coups de cœur de millésimes plus anciens :
Sagrantino 2014 (millésime 3*) – Cantina Dionigi
2014 est le dernier millésime commercialisé par Roberto Dionigi, qui garde toujours son Sagrantino 8-9 ans en élevage dont 2 ans en foudres et barriques ensuite 6 ans en affinage en bouteilles. Roberto a sa façon de travailler et élever ses vins, jamais de précipitation, ni pour son Sagrantino ni pour d’autres cuvées de la maison. Chaque cuvée sortira de la cave au moment venu.
Je suis toujours bluffée par son vin ultra classique, très précis en bouche, avec son aromatique très profonde, les tanins ciselés, la fraicheur, il n’a rien qui dénote, qui dérange. Déguster un vin à son apogée ou presque qui sort directement de la cave ajoute une dimension supplémentaire.
Sagrantino Il Bove 2017 (millésime 3*) – Cantina Colle Mora
Je suis tombée complètement sur le charme de ce petit domaine viticole de 7 ha de vignes. Simone et Michela, le jeune couple d’agriculteurs ont acquis les vignes en 2003 et en 2009 ils proposent le premier millésime de Montefalco Sagrantino.
La porte de la cave est toujours ouverte, le couple vous accueille en toute simplicité avec une grande générosité, le sourire et la joie, vous pouvez déguster ici toute la production viticole, aussi quelques bons produits de la ferme produits par Simone.
Sagrantino est vinifié en cuves inox, passe minimum 24 mois d’élevage en barrique bordelaise, ensuite de longs mois d’affinage en bouteille. C’est une production assez confidentielle, d’environ 3000 bouteilles à l’année. Aujourd’hui le 2017 est mis en lumière en attendant le 2018 qui sortira d’ici peu, pour le dernier 2019 il faudrait encore être très patient, il n’a pas fini son élevage.
Le Sagrantino de Colle Mora et très généreux, fruité, persistant, on sent la vendange très mûre avec une bonne pointe d’acidité, les tanins sont très présents sans agressivité.
Simone m’a proposé une mini verticale, afin d’apprécier les capacités de sa cuvée Sagrantino à travers des âges.
Il Bove Sagrantino 2011 (millésime 4*)
Étonnant, encore très jeune
Il Bove Sagrantino 2015 (millésime 5*)
Beaucoup de finesse, d’élégance, racée et prometteur***
Il Bove Sagrantino 2016 (millésime 5*)
Demande encore la patience
Il Bove Sagrantino 2017 (millésime 3*)
Demande encore quelques années de cave
Il Bove Sagrantino 2018 (millésime 4*)
Ultra prometteur
Il Bove Sagrantino 2019 (millésime 5*)
Échantillon cuve, vin très prometteur pour une longue garde
Les vins sont vraiment à l’image de ce jeune couple, que je définirai par un seul mot « généreux ».
Sagrantino 2017 (millésime 3*) – Luca di Tomaso
Luca, le jeune trentenaire fait partie de la nouvelle vague de vignerons installés à Montefalco.
Issu de la famille de restaurateurs milanais, lui-même chef au restaurant familiale, rêvait d’avoir son vignoble et faire son vin. Il a pris 6 ha de vignes en location, et avec le millésime 2019 signe son 4e millésime. Aujourd’hui il partage sa vie entre la cuisine et son vignoble.
Le 2019 est encore en élevage, il sera le premier à être certifié bio. La production est très confidentielle, seulement 2000 bouteilles. Il produit encore deux autres cuvées issues de Sagrantino, Sangiovese et Cabernet Sauvignon.
Certes, c’est juste le début de cette belle aventure viticole pour Luca, la volonté et l’ambition sont réunies pour produire un très bon vin, mais le chemin est encore long à parcourir.
J’ai dégusté les quatre millésimes : 2016 et 2017, mais aussi 2018 et 2019 encore en élevage.
Très certainement, Luca di Tomaso trouvera sa bonne place dans le paysage de vins de Montefalco.
Et aussi quelques d’autres magnifiques Sagrantino :
Fattoria Colsanto – Sagrantino 2015
Cocco Ilaria – Sagrantino Phonsano 2016
Le Climate – Sagrantino 2016
Perticaia – Sagrantino 2016
Tenuta Bellafonte – Sagrantino Collenottolo 2016
Tenuta di Saragano – Sagrantino Saragano 2016
Romanelli – Sagrantino Terra Cupa 2017
Bocale – Sagrantino 2018
Fattoria Goretti – Sagrantino 2018
Tabarrini – Sagrantino Colle Grimaldesco 2018
Portraits de vignerons
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