Bordeaux primeurs 2011-Episode 1 Grand Zoom sur la météo par Denis Dubourdieu

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Prof. Denis Dubourdieu dans le chai de La Lagune
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Sylvie Cazes, Présidente de l’UGCB

Comme à l’accoutumée, chaque année pendant la semaine de primeurs organisée par l’UGCB (Union des Grands Crus de Bordeaux présidée par Sylvie Cazes), le Prof. Denis Dubourdieu présente et décortique  le millésime en question. Cette année c’est 2011 qui est passé au crible. Ca conférence a eu lieu dans le chai du Château La LaguneDenis Dubourdieu avec son aura et son aisance sans paire, présente la climatologie étrange du 2011 avec toutes ses conséquences imprévisibles. En deux mots, c’est un millésime sans printemps, directement de l’hiver à l’été pour une éclosion des bourgeons fin mars et une floraison exceptionnellement précoce mi-mai.

Mais il faut quand-même nuancer tous ces propos.

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Les conditions qui font la qualité d’un bon millésime de rouges à Bordeaux c’est tout d’abord une floraison précoce et rapide, avec un début d’une contrainte hydrique à la nouaison avant la véraison. Avec ralentissement de la croissance grâce à un climat chaud et sec. Ces deux conditions étaient pleinement satisfaites à la mi-juin 2011.

Sur les sols de graves à faible réserve hydrique, la sècheresse était persistante, en revanche à ce stade pas vraiment préoccupante. Mais l’exceptionnelle précocité du cycle végétatif suscitait une réelle inquiétude. Fin juin avec les températures très élevées, certaines grappes furent complètement brulées. Le cabernet-sauvignon sur les sols les plus secs subit les pertes importantes allant même jusqu’à 20% des baies. Le merlot, plus sensible à la sècheresse que les cabernets fût curieusement moins abimé, surement grâce à son feuillage plus important, plus large permettant une protection plus importante contre les brûlures du soleil. Le mois de juillet se présentait avec des températures plus basses que la moyenne. Le manque de soleil avec le déficit de la durée d’ensoleillement  se fit fortement ressentir. La pluviométrie fût plus importante à Pessac, dans les Graves et dans le Sauternais que dans le Médoc ou à Saint Emilion.

En conclusion une véraison précoce vers la mi-juillet en situation de forte contrainte hydrique. Sur tous les bons terroirs la croissance de la vigne était arrêtée sous l’effet d’une forte contrainte hydrique. Elle était quelques fois excessive, comme par exemple pour les merlots, ceux sur les sols de graves et de sables, sols les plus secs. La floraison et la demi-véraison étaient beaucoup moins groupées. En revanche, la véraison de grappes brulés fin juin se passait très mal, il fallait totalement éliminer ces «grappes arlequin » pour préserver la qualité du millésime. On constatait une maturation de cépages rouges lente et irrégulière avec un mois d’août automnal et un mois de septembre particulièrement chaud et sec. Sans oublier ce violent orage de grêle du 1er septembre qui ravagea une partie de Saint-Estèphe.  Pendant cette dernière période les nuits étaient fraiches et les journées bien ensoleillées, laissant le temps aux cabernet-sauvignons de mûrir tranquillement et d’atteindre la teneur en anthocyanes élevée.

Les vendanges de blanc sec débutent à la mi-août pour s’achever début septembre. Les moûts blancs avaient les teneurs en sucre un peu plus faible, des acidités plus élevés, et des pH plus bas. La précocité de 2011 tenait à la chaleur du printemps. La période de maturation plutôt fraiche des blancs détermina la belle acidité et l’éclat aromatique des sauvignon et sémillon sur leurs terroirs de calcaires et d’argiles.

Les vendanges de merlots débutent le 5 septembre, celles de cabernets le 12 pour s’achever fin septembre et début d’octobre. Le temps chaud et sec à partir du 10 septembre évite un développement de la pourriture grise, mais il fallait être très vigilant. Les baies sont en général plus petites et riches en anthocyanes.  Les teneurs en sucre des merlots sont plus modérées qu’en 2009 et 2010, en revanche celles de cabernets sont comparables à 2010.

Les vendanges dans le sauternais débutèrent fin août pour un « tri de nettoyage ». Une véritable pourriture noble (botrytis) s’installe après les pluies du début septembre et grâce aux brouillards matinaux pendant la première décade de septembre.

A partir du 8 septembre les températures dépassent même 30°C provocant une concentration  en sucres extrêmement rapide.

Dans ces conditions sous un climat chaud et sec peu de tris suffisaient à rentrer l’intégralité de la récolte avec une pourriture noble d’une qualité rare.

Conclusion générale :

Les blancs secs sont aromatiques, denses, longs avec une bonne acidité

Les rouges plus difficiles, plus hétérogènes, avec les merlots sur les calcaires, et les argiles sont colorés, profonds avec une belle fraîcheur.

Les cabernets francs de la Rive droite sont magnifiques.

Les rouges de la rive gauche sont structurés grâce aux quelques remarquables cabernets sauvignons, mais hélas avec les volumes très faibles.

Pour finir les Sauternes et Barsac sont exceptionnels.

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