Bordeaux primeurs 2016 #1 Grand zoom sur la météo

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Dégustations primeurs 2016 à Hangar 14

Comme chaque année les primeurs est une manifestation incontournable pour les professionnels du vins qui se donnent le rendez-vous à Bordeaux afin de déguster le dernier millésime. Cette année c’est le millésime 2016 qui a attiré plus que 6000 professionnels venus de quatre coins du monde pour déguster et noter ce dernier né. Depuis plus que 30 ans, UGCB (Union des Grands Crus de Bordeaux) organise ces dégustations qui attirent chaque année plus en plus de professionnels. C’est une campagne unique dans son genre, car les professionnelle achètent les vins qui sont encore en élevage, qui serons disponibles et livrables dans deux ans ou même plus pour certains.

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Vendange 2016, dernière parcelle de Cabernet Sauvignon prête à être vendangé au Ch Lagrange, Saint Julien

Avant d’’avancer dans cette chronique primeurs 2016 avec les notes, les coups de coeur etc, il faut avant tout décortiquer en détail ce millésime, le millésime qui a fait tellement parlé de lui.

Il est toujours très délicat, sans risquer de tomber dans un optimisme précoce, d’annoncer deux grands millésimes consécutifs : le 2015 et celui de 2016, millésime qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui.

Pourtant, c’est incontestable, le 2016 est une remarquable réussite à Bordeaux, conciliant la qualité et le quantité, dans un style classique du bordelais.

On a tout entendu sur ce millésime qui restera sans doute dans les anales : millésime miracle, millésime de la dernière chance, millésime de tous les extrêmes, bref le millésime qui n’a surement pas encore dit son dernier mot.

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Vendange 2016, derniers magnifiques Cabernets Sauvignon récoltés 21 octobre à Phélan Ségur, Saint Estephe

Ces deux grandes millésimes consécutifs comme 2015 et 2016 partagent plus ou moins nettement les vins de bordeaux en deux rives, pour le millésime 2016 on parle plus tôt que c’est un millésime de la Rive gauche, millésime tardif, millésime de grands cabernets sauvignon, surtout du nord de l’appellation sur les terroirs plus froids et plus propices pour le cabernets comme à Pauillac et  à Saint-Estèphe, sachant que ce millésime est dans sa globalité très homogène, tandis que le millésime 2015 on va l’associer plus facilement avec les maturités de la Rive droite, avec les maturités plus précoces de grands Merlots.

Je laisse la parole à Philippe Dhalluin, DG de vignobles Baron Philippe de Rothschild pour une brève analyse du 2016 : 

Avant d’examiner plus en détail l’effet des conditions climatiques en 2016 sur la physiologie de la vigne et la composition des raisins, il faut rappeler les principes fondamentaux qui gouvernent la qualité des récoltes à Bordeaux.

La réussite d’un millésime de vin rouge est soumise à une succession de cinq conditions essentielles :

1) et 2) une floraison et une nouaison relativement rapides et homogènes sous un climat assez chaud et pas trop arrosé pour assurer une bonne fécondation et prédisposer à une maturité homogène.

3) une contrainte hydrique s’établissant progressivement grâce à un mois de juillet chaud et sec, provoquant le ralentissement puis l’arrêt définitif de la croissance au plus tard au début de la véraison (changement de couleurs de la grappe).

4) une maturation complète des différents cépages grâce à des mois d’août et septembre suffisamment secs mais sans chaleurs excessives.

5) un beau temps, moyennement chaud et faiblement arrosé pendant les vendanges, permettant d’attendre la maturité optimum de chaque parcelle sans redouter la dilution, la pourriture, ou la perte des arômes fruités.

Zoom sur la météo du 2016 à Bordeaux

Je laisse la parole à Thomas Duclos, oenologue-conseil, Oenoteam à Bordeaux qui résume brièvement le millésime 2016 : 

Le printemps incroyablement pluvieux et préoccupant pour les vignerons (pression des maladies cryptogamiques), s’est plus tard avéré providentiel. Les réserves en eau du sol, largement reconstituées, ont permis à la vigne de résister aux conditions exceptionnellement sèches et chaudes de l’été. La maturation des raisins s’est ensuite achevée sous un climat plus clément, très peu pluvieux, beau et relativement chaud, avec des nuits fraîches. Inespéré, inhabituel à Bordeaux, ce qui a permis de récolter des raisins colorés, aromatiques, d’une très belle acidité.

Les meilleurs terroirs de blancs de Bordeaux, calcaires, argilo-calcaires ou gravelo-argileux, ont préservé la vigne d’un stress hydrique à la fois trop précoce et trop intense. Sur ce type de sols, les raisins de sauvignon ont conservé une fraîcheur aromatique et une acidité surprenantes. Les sémillons sont très réussis, charnus et tendres.

Pour les liquoreux :

Les conditions climatiques estivales sèches et chaudes du 2016, ont également permis d’atteindre, avant tout développement de Botrytis, une parfaite maturité des raisins de Sauternes et Barsac. C’est une condition indispensable à la qualité des vins liquoreux. Deux courts, mais significatifs épisodes pluvieux ont initié le développement de la pourriture noble à partir de mi-septembre. Ils ont été suivis d’un retour à des conditions anticycloniques, favorables à la concentration des raisins. Les vendanges, très étalées cette année, ont ainsi débuté la deuxième quinzaine de septembre pour s’achever début novembre.

Je laisse la parole à Pierre Lurton (DG de Cheval Blanc et d’Yquem) qui résume parfaitement les conditions climatiques du 2016 à Sauternes, tout particulièrement à Yquem :

Contrairement au 2015 particulièrement sec et ensoleillé, le 2016 a débuté par trois mois de pluies excédentaires avec un cumul avoisinant les 500 mm contre les 230 mm enregistrés en moyenne lors des 30 dernières années.

Malgré ce temps gris et pluvieux, la température est restée supérieure de près de 2°C aux normales saisonnières, faisant de l’hiver 2016 le plus doux jamais enregistré depuis le début des relevés. Aucune température négative n’a été affichée pendant la journée avec seulement cinq jours de gels qui ont été enregistrés.

Dans ces conditions, les premiers signes de la reprise végétative (bourgeons gonflés) apparaissent fin février, laissant craindre une extrême précocité. Mais à partir du 20 février, les températures se rapprochent des normales et deviennent même déficitaires dans la seconde décade de mars.

Les faibles températures de mars et l’engorgement des sols dû aux fortes précipitations de début d’année retardent le débourrement. Les premiers bourgeons ont ainsi éclos la dernière semaine de mars, une semaine plus tôt que la normale, plus précocement qu’en 2010, 2012, 2013 ou 2015 mais plus tard qu’en 2011 et 2014.

Conclusion :

Vins rouges exceptionnels, les blancs savoureux, les liquoreux persistants, frais et gourmands.

Les vins rouges que j’ai pu dégusté si bien sur la Rive droite que la Rive Gauche à la fin de vendanges toute de suite après les fermentations, au début d’élevages s’annonçaient déjà exceptionnels. Après ces quelques mois d’élevage supplémentaires les rouges sont étonnamment colorés, fruité, sans aucune pointe végétale, mûrs, structurés, avec une belle texture, avec une puissance tannique nette, doté d’une grande élégante, tous avec une fraicheur exceptionnelle, avec des niveaux d’acidité assez élevé, formidablement équilibrés, avec une buvabilité exceptionnelle, tout est en place pour une longue garde.

Les vins blancs secs de 2016 sont fruités et savoureux, moins acides que ceux des 2015, 2014 ou 2013, ils sont bien équilibrés. Les sémillons, particulièrement réussis dans ce millésime, apportent la chair et le moelleux sans alourdir l’ensemble.

Les grands vins de Sauternes et Barsac sont extrêmement purs, confits et très riches, leur style s’exprime plus dans la puissance et la fraicheur que dans l’éclat aromatique des fruits.

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Sauternes 2016 avec sa diversité de robes

A suivre dans les prochaines chroniques les notes, les appréciations et les coups de coeur de primeurs  2016 à Bordeaux… 

Adresses utiles :

www.ugcb.net

www.grandcercle.fr

www.derenoncourtconsultants.com

www.oenoteam.com