Qu’est-ce qu’un vin / terroir mythique ? Existent-ils ? Témoignage d’Alain Vauthier…

Alain Vauthier, propriétaire de Château Ausone Saint Emilion 1er GCC « A » témoigne en toute liberté sur le sujet très complexe des vins et terroirs dit « mythiques »… 
l1200779
Alain Vauthier à Ausone

« Pour moi un terroir mythique c’est un terroir qui est chargé d’histoire et ce sont souvent les lieux qui par leur micro climat, par leur vue, par leur emplacement étaient les plus agréables et qui ont été occupés en premier. Il y a eu une occupation préhistorique, une occupation du temps des Romains et c’est ça pour moi le terroir mythique. La production d’un vin mythique, c’est l’homme qui a adapté les cépages, qui a adapté les techniques pour tirer le meilleur parti de ce micro climat et de ce sol favorable. Il peut y arriver des « éclipses » s’il y a un travail moins soigné, mais ça ne dure pas très longtemps, car les terroirs mythiques sont toujours repris en main, ce sont des cycles et statistiquement ils dominent et ils continueront à dominer.

 Le facteur humain, c’est d’arriver à trouver les techniques, les pratiques viticoles, car c’est surtout de la viticulture, qui convient le mieux à ce lieu et à ce sol.

 L’homme est très important dans sa caractéristique historique. Dans les terroirs mythiques, on a l’avantage de bénéficier de plusieurs siècles d’expériences. Et les Bourguignons, c’est extraordinaire, ils ont sélectionné le cépage Pinot Noir qui fonctionne remarquablement bien dans la Côte de Nuits. A l’intérieur du Pinot Noir ils ont sélectionné des pieds qui étaient plus favorables pour faire des vins de garde et pour pouvoir avoir des grands vins, et ça c’est long, c’est lent, et il faut du temps… L’homme travaille pour toujours améliorer la qualité. La technique permet d’aller vite mais ça ne remplace pas l’histoire et le temps qu’il a fallu pour adapter les techniques à un écosystème particulier.

–      Et Ausone dans tout ça ?

Ausone, ce n’est pas moi, ce n’est pas Pauline, Ausone on le trouve depuis toujours, et au 16e siècle le terrain valait très cher, car ça fonctionnait bien. Et il y a un critère, on se rend compte  qu’à chaque fois, quand il y a des crises économiques, les terroirs mythiques souffrent beaucoup moins que les autres terroirs. Et après, c’est comme un bon cheval, les grands terroirs résistent à tout. Pauline, elle a acheté un cheval de concours hippiques, et il y va… avant, elle avait « une saucisse »,  qui était dure, maintenant elle a un bon cheval et au final, la limite ce n’est pas le cheval, c’est elle… !

Les Grands Terroirs, c’est pareil, et je peux parler librement, car dans la famille on a différents vignobles et il y a des terroirs où on travaille, on travaille, on travaille, mais le potentiel… on plafonne… Alors qu’à Ausone on travaille et ça répond aussitôt. Un peu comme une Ferrari, on appuie, ça démarre… et voilà…

 Un grand terroir c’est statistique, ça se voit dans les mauvais millésimes, ça se voit dans les années difficiles, les grands terroirs marchent mieux. Quand on a goûté à un grand terroir, on n’a plus envie de travailler dans des terroirs secondaires. Ce qui m’attriste actuellement, c’est que dans le prochain classement de Saint-Emilion ils ont gommé la notion de « terroir », elle n’intervient plus et l’histoire non plus. C’est juste une dégustation à l’aveugle et quand on connait les aléas de cette dégustation, c’est pour moi une catastrophe, on remet en cause trois siècles d’histoire. On prend une technique style concours général agricole ou médaille de la Wine Fair quelconque, je trouve ça délirant… on bafoue l’histoire, on bafoue les terroirs… L’histoire surtout, et ça, ça me gêne. Parce que, regardez, les crus classés de Saint-Emilion qui ont été classés en 1955, ça correspondait à une hiérarchie qui n’était pas si mal faite que ça. Et chaque fois qu’un cru a une éclipse, parce que les propriétaires font pas ci, ne font pas cela, … Derrière il y a une reprise et on voit le rang qui est repris aussitôt. Alors, que dans les terroirs secondaires, c’est quasiment impossible, même si on travaille, même si on travaille, c’est trop dur… »

l1280301