Chaque fin janvier, Vérone, la ville de Romeo et Julietta devient le temps d’un week-end une ville où tous le monde « respire » Amarone.
Amarone della Valpolicella investie son QG habituel, le somptueux palais Palazzo della Gran Guardia au cœur de la ville. C’est ici qu’à lieu la présentation du nouveau millésime qui arrive au bout de son élevage, prêt à être commercialisé.
Cette année c’est le 2013 qui a été dévoilé aux professionnels et aux amateurs, qui sont là toujours très nombreux pour apprécier toutes les qualités de ce nouveau né.
Anteprima Amarone ouvre chaque année la danse de tous les Anteprime italiens qui suivent, comme celles de Toscane avec toutes les appellations, d’Umbria avec Sagrantino Montefalco en passant par le Piémont pour Nebbiolo, par la Sicile ou par la Vénétie pour son Soave et j’en passe… elles sont vraiment très nombreuses.
En faite, les Anteprime on peut comparer, mais sans vraiment trouver une équivalence exacte avec les primeurs à Bordeaux.
A Bordeaux on déguste les vins de la dernière récolte, les vins qui sont tout juste au début de son élevage, ceux qui serons commercialisés d’ici deux ans ou plus.
En revanche les Anteprime en Italie, consiste à déguster les vins qui, pour la plus part sont en bouteille, livrables bref commercialisable toute de suite. Il arrive parfois de déguster quelques échantillons barriques, pour les vins que son producteur a décidé le garder plus longtemps en élevage.
Donc, pour ces dégustations les millésimes varient selon les appellations (DOC, DOCG) et selon chaque catégorie des vins (Classico, Riserva etc). Ce type de dégustations s’avère très excitants car à chaque fois nous sommes confrontés avec deux, trois ou mêmes quelques fois plus des millésimes à déguster.
Bref rappel :
Amarone della Valpolicella est un vin unique et inimitable, connu depuis l’Antiquité romaine, produit dans la province de Vérone dans la partie septentrionale sur le territoire de 19 communes dont Vérone, en Vénétie.
La mention « classico » est réservé aux vins produits dans la zone la plus ancienne, sur les terroirs de communes : Fumane, Marano, Negrar, Sant’Ambrogio et celle de San Pietro in Cariano
Les raisins vendangés tardivement, puis passerillés partiellement (l’appasimento en italien), procédé simple qui consiste à laisser sécher les grappes, aujourd’hui le plus souvent dans des cagettes en plastiques (autre fois dans des cagettes en bois) à l’air, dans des endroits secs et ventilés durant un mois environ, afin de concentrer les sucres avant de les mettre en cuvage.
Durant des siècles, les vins « Amarone » sont produits, mais il a fallu attendre la fin des années 1960, exactement en 1968 pour voir apparaître la reconnaissance en DOC (Dénomination d’origine contrôlée) et seulement qu’avec le millésime 2010 l’Amarone accède à la suprématie à la DOCG (Dénomination d’origine contrôlée et garantie). Enfin ce vin si particulier et unique obtient ses lettres de noblesse.
La corvina Veronese et son cousin, le corvinone, représentent aujourd’hui 70% des vignobles, rondinella 23%, pour compléter avec la molinara et l’oseleta ou bien encore negrara ou croatina.
Il faut rappeler au passage que les cépages autochtones sur la zone de Valpolicella représentent 97% !
De la vigne au vin en passant par la cave…
Avec le réchauffement climatique, on replante la vigne plus en plus haut jusqu’à 650 m. d’altitude. Le mode de culture, en pergola représente presque 80%. Pour le reste la vigne est conduite en principe en guyot simple. Certes, avec des pieds de vigne à 1,70-1,80 m facilite le travail manuel, sans oublier que la pergola favorise aussi de gros rendements. Mais, aujourd‘hui plus en plus de vignerons privilégient la culture sur fil en taille guyot simple, plus qualitatif avec moins de rondement, et au même temps la possibilité de mécaniser certains taches.
Amarone
La fermentation de vins de l’Amarone est très lente, pour parvenir à transformer un maximum de sucre en alcool, le plus souvent entre 16% et 17%, au-delà, aucune levure ne parvient à «manger» le sucre, qui reste à hauteur de 5 à 15 grammes. Le rapport alcool-sucres-acidité est un paramètre essentiel pour assurer son équilibre.
Certes, quand on déguste des vins d’Amarone on voit comment cette équilibre peut être essentiel, on peut estimer des différences de qualité juste avec ce paramètre.
Les modes de passerillage (l’appasimento) se passe dans des hangars ventilés plus ou moins fermés aux aléas de l’extérieur.
En ce qui concerne l’élevage des vins, il se fait dans des différents futailles : comme des grands tonneaux souvent en chêne de Slavonie, ou des barriques traditionnelles en chêne français ou américain, plus ou moins neufs, pour un vieillissement d’environ de 24 mois, avant le repos obligatoire en bouteille.
Recioto
Pour ce vin rouge et doux, Recioto, les raisins sont passerillés plus longtemps et comme le sucre de ce grand vin de dessert est recherché (minimum 80 g/l), donc l’alcool est forcement plus faible (13% à 14%).
Le vins parfait avec les desserts au chocolat.
Ripasso
C’est un Valpolicella Classico qui fermente une première fois, puis une seconde fois, sur les peaux de l’Amarone. Ce processus se passe en principe en février, une fois que ce dernier a achevé son propre cycle de fermentation.
Ripasso est moins charge en alcool et en sucre que l’Amarone, bref on peut dire qu’il est un peu plus digeste, en faite nous sommes sur un vin complètement diffèrent avec un potentiel de vieillissement exceptionnel.
Depuis les débuts des années 2000 à aujourd’hui le vignoble de la Valpolicella s’est fortement agrandi, de plus de 2000 ha.
Aujourd’hui le vignoble de la Valpolicella compte exactement 7844 ha de vignes (au dernier recensement).
En 2010, le Consorzio dei vini Valpolicella a décidé de bloquer ce développement, on peut juste signaler quelques 50 hectares qui ont été plantés dans les dernières années.
Aujourd’hui la production d’Amarone est stable, elle s’élève en moyenne à 13-14 millions de bouteilles sur les cinq dernières années.
A savoir, la production totale de vins de Valpolicella, Amarone, Recioto et Ripasso a dépassé 61 millions de bouteilles en 2016.
Anteprima Amarone 2013
Cette année c’est la sortie officielle du millésime 2013, le millésime considéré plutôt compliqué, mais avec quelques pépites à l’arrivée.
78 producteurs ont mis 83 vins exactement à la dégustation, dont le plus part des classico avec quelques riserva qui demande un élevage supplémentaire.
Bref résumé du millésime 2013
Un millésime qu’on peut clairement distinguer en deux phases :
Cette année là le climat était complètement différent entre la première période, le cycle de croissance, et la deuxième, la maturation.
En effet, dans la première période la vigne a subi un climat défavorable caractérisé par des fréquentes précipitations et des températures très basses.
En revanche, dans la deuxième période, de juin à la maturation et aux vendanges la vigne a été confrontée avec un climat complètement opposé.
2013 a été une année qui a bien représenté le changement climatique, où le temps variable a toujours été très fréquent, en soumettant la vigne à des extrêmes ce qui a au final donné des résultats parfois inattendus, mais très intéressants au niveau des équilibres alcool/acidité/sucre.
Le stress hydrique de la pré-véraison a provoqué une assez bonne concentration d’anthocyanes, une bonne synthèse polyphénolique et tannique.
En revanche, les températures élevées et les périodes sèches pendant la maturation ont permis d’obtenir des raisins plus sains, plus mûrs, riches en sucre.
La période d’automne du passérillage (de l’appasimento) a également bénéficié d’une humidité relativement faible (en moyenne inférieure à 60%).
Profil général des vins 2013
Au final, dans ce contexte climatique du 2013, les vins s’en sortent avec un bon niveau qualitatif et une expression claire de territoires et de styles.
Plus précisément, on trouve une grande élégance et fruité dans les vins de Mezzane, Illasi et Cazzano, une élégance et une puissance incontestables dans les vins de Negrar.
Les vins de la vallée de Fumane se distinguent par des arômes délicats et une saveur équilibrée, tandis que ceux de San Pietro in Cariano par des notes de confiture. Les vins de la vallée de Marano ont une excellente structure.
En revanche, dans les vins de Valpantena il y a une identité toujours plus forte caractérisée par la douceur et se grand buvabilité.
Mes Coups Cœur de la dégustation :
Top 20 (dans l’ordre alphabétique)
Dans tous ces vins cités mon choix s’appuyait sur un équilibre qui dominait entre les jolis fruits frais, bonne fraicheur avec la sucrosité modérée.
Accordini Stefano
Classico cuvée Acinatico (bouteille)
Bertani
Valpantena (bouteille)
Cesari
Classico (Bouteille)
Corte Aleardi
Classico Vigneto di Bure (prélèvement barrique)
Corte Archi
Classico Gli Archi (bouteille)
Corte Rugolin
Classico Monte Danieli (prélèvement barrique)
Dal Forno
Amarone (prélèvement barrique)
Fasoli Gino
Cuvée Alteo (prélèvement barrique)
Fidora (bio et biodynamie)
Amarone (prélèvement barrique)
La Collina dei Ciliegi
L’Amarone (bouteille)
Latium Morini
Cuvée Campo Leon (bouteille)
Marco Mosconi
Amarone (prélèvement barrique)
Massimagio
Amarone (bouteille)
Monteci
Classico (prélèvement barrique)
Musella
Amarone (prélèvement barrique) Biodynamie
Santa Sofia
Classico (prélèvement barrique)
Santi
Classico (prélèvement barrique)
Sartori
Classico cuvée Reius (prélèvement barrique)
Secondo Marco
Classico (prélèvement barrique)
Tenuta Falezza
Amarone (prélèvement barrique)
Tezza
Valpantena Riserva cuvée Brolo delle Giare (prélèvement barrique)
Tinazzi
Cuvée Selezione di Famiglia (bouteille)
Villa Mattielli
Amarone (bouteille)
Zyme
Classico (prélèvement barrique)
Et maintenant allons dans les vignes… une visite s’impose…
Belles découvertes :
LA COLLINA DEI CILIEGI
Une exploitation viticole de 16 ha de vignes née en 2005 grâce au travail et la grande passion de Massimo Gianolli et sa famille. Les vignobles prospèrent sur de belles collines de 450 à 750 m d’altitude de la Valpantena véronaise auxquelles on a redonné depuis déjà un bon moment ses lettres de noblesse. Ces terroirs aux multiples expositions sont bien ensoleillés, bien aérés, avec quelques fois des vents importent en printemps. Le sol est surtout calcaire et pierreux. La vigne est conduite en guyot simple, la taille bien adaptée pour ce type de pentes, plus qualitative avec des rendements moins impotents, au finale produisant des vins plus qualitatifs.
L’œnologue Luca Degani privilégie des vins tout en finesse avec beaucoup de fruits et surtout une très belle acidité et fraicheur due à l’altitude du vignoble et son exposition.
La gamme des vins est très complexe, ben évidemment aves tous les Valpolicella et Amarone, y compris quelques blancs, mais également avec une belle gamme des méthodes classiques issus de cépages chardonnay, pinot noir, pinot meunier et garganega.
FIDORA
La famille Fidora instalée dans la Vénétie depuis 1927, possède en tout 160 ha, dont sur l’aire de production de la Valpolicella juste 40 ha des vignes sur les collines de Saint’Ambrogio entre 220 et 500 m d’altitude. Depuis déjà 1974 toutes les vignes sont conduites en bio et aujourd’hui même en biodynamie. La philosophie environnementale et biodiversité sont primordiales pour la famille.
L’œnologue Enrico Nicolis privilégie des vins délicats, tout en élégance, sans trop d’extraction avec une couleur modérée pour les Amarone, qui sont moins massifs et plus « digestes ». Je retrouve ici un « style bourguignon » avec des jolis fruits frais et des robes plutôt claires.
La gamme est très complète avec plusieurs Prossecco, Moscato Spumante, des blancs de la Vénetie (dû aux origines de la famille) avec bien évidemment une gamme complète de la Valpolicella et Amarone.
Les visites continuent :
PORTFOLIO
Quelques adresses utiles :
www.sartorinet.com