La Sicile, Modèle de la Transition Écologique et de durabilité dans le Monde Viticole
Tout récemment, j’ai pu assister au symposium à Palerme en Sicile, sur la durabilité et la transition écologique, le sujet désormais crucial non seulement pour la viticulture italienne, mais pour la viticulture mondiale dans son ensemble.
L’Italie et le plus particulièrement la Sicile, est à l’avant-garde si bien dans la durabilité, que dans la transition écologique.
Avec ses 97 000 hectares de vignes (le plus grand parque viticole d’Italie), 44 000 sont cultivés de manière durable, dont 29.000 en bio, représentant ainsi 30 % du vignoble régional, ce qui fait de lui le plus grand vignoble biologique en Italie.
On peut définir la Sicile carrément comme un petit « continent viticole » avec son vignoble niché entre de nombreuses collines, les montagnes et bords de mer. L’ile est « durable » par nature grâce à sa biodiversité extraordinaire, sa climatologie diverse entre l’ouest et l’est et surtout grâce à l’altitude qui fait la différence. À rappeler que la montagne occupe ici 24,4 % de la surface, les collines 61,4 tandis, que les plaines seulement 14,2%.
La fondation SOStain, organisatrice du symposium a souligné un grand engagement de producteurs siciliens dans son programme de diminution de l’empreint carbone avec la production locale et le recyclage du verre, allégement du poids de bouteilles, le transport, mais surtout valorisation du patrimoine variétal de l’ile, en ce qui concerne les cépages autochtones, une richesse extraordinaire d’environ 70 variétés reconnus.
Depuis déjà de nombreuses années, le changement des pratiques viticoles en Sicile est frappant, effectivement on voit rarement de vins issus de variétés internationales; les cépages locaux, mieux adaptés aux conditions climatiques, plus résistants aux maladies sont favorisés par l’ensemble de producteurs, qui proposent ainsi, aux consommateurs de vins identitaires, inimitables, proches de son terroir.
Cette diversité contribue à la richesse extraordinaire des vins siciliens, qui varient selon les zones géographiques et les terroirs.
Quelques chiffres clés sur la production
Aujourd’hui l'île compte 7 200 vignerons, dont 530 embouteilleurs, avec une production de 85 millions de bouteilles en 2023.
Ces dernières années, selon les statistiques, les vins rouges, comme le Nero d'Avola, ont perdu une partie du marché, en effet, au cours des 8 premiers mois de 2024, on enregistre -11% par rapport à 2023, avec un peu plus de 25 millions de bouteilles produites.
Le Nero d’Avola, avec 15 300 ha, soit 15% du vignoble sicilien est le principal cépage rouge de l’ile, dont la plus grande diffusion se situe dans le sud-est. Il existe trois différents clones (biotypes) plantés dans la région : le biotype A, qui donne des vins plus alcoolisés, plus structurés, fruités, plus complexes; le biotype B, le plus répandu dans toute la région, qui produit des vins plus simples, sur les fruits, à consommer plus jeunes et enfin, le biotype C, présent davantage dans la partie orientale, qui produit de vins moyennement alcoolisés.
Ces divers clones illustrent aussi, l’adaptabilité des plants aux différentes conditions environnementales et climatiques de l’Ile, qui est confronté aujourd’hui de plus en plus à de divers aléas climatiques comme de chaleurs excessives et une pénurie d’eau.
Nero d’Avola, ce cépage roi de la Sicile mérite un peu plus d’attention
Citée pour la première fois par le naturaliste sicilien Francesco Cupani en 1696, l'origine du Calabrese demeure un mystère. Ce cépage est étroitement lié aux vins anciens tels que les « Calabresi di Augusta » et « Vini di Vittoria ».
Le nom Calabrese proviendrait vraisemblablement de deux anciens mots siciliens : « Calea » et « Aulisi », en rapport avec la région d'origine de ce cépage, la région d’Avola. Véritable roi des vignes siciliennes, il s'épanouit dans toutes les zones viticoles de l'île, révélant ainsi, son meilleur potentiel avec sa plus grande expression qualitative.
Il se caractérise par sa vigueur, ses feuilles de taille moyenne à grande, ses grappes qui varient de moyennes à grosses, portant des baies de taille plutôt moyenne avec la peau violine foncé.
Les vins se distinguent par leur richesse et leur personnalité unique. Selon les terroirs, ils affichent une belle couleur rouge rubis plus ou moins profonde, sont très aromatiques, offrant un bouquet de notes fruitées, florales et épicées. En bouche, ils présentent une excellente structure et persistance avec des tanins corsés, une acidité équilibrée avec une belle harmonie d’ensemble. Rependu à travers toute la Sicile, Nero d’Avola (le Calabrese) est considéré comme un véritable trésor du patrimoine viticole de l'île.
Grillo, (8570 ha) le cépage blanc, le deuxième le plus répandus sur l’ile a enregistré une production de 23 millions et demi de bouteilles en 2023, toujours en progression, car sur les 8 premiers mois du 2024 on enregistre une hausse de +3%.
A l’origine cultivé dans la région de Trapani, aujourd’hui rependu dans d’autres régions de la Sicile.
Lucido (ou Catarratto), cépage blanc avec ses 10 000 ha, l’un de plus anciens cépages indigènes est cultivé principalement à l’ouest de la Sicile, et l’utilisé essentiellement pour la production du Marsala.
L’Insolia, cépage blanc avec ses 4 400 ha est présent dans toute la Sicile, principalement dans sa partie l’ouest, produit des vins avec une belle aromatique florale et fruitée en appellation DOC ou en IGT.
Zibibbo ancien cépage blanc originaire d’Égypte, fait partie de la famille de Muscat (Muscat d’Alexandrie), 2 825 ha plantés en Sicile, produit de vins secs très aromatiques ou de vins doux de dessert.
Le Perricone (Pignatello) est un cépage sicilien historique, peu cultivé aujourd’hui, seulement 533 ha, récemment sauvé d'une probable disparition. Aujourd’hui, il peut produire de différents types de vins, comme de rosés, ou de vins plutôt légers à consommer rapidement, jusqu'aux vins de longue garde, grâce à sa richesse en tanins.
Enfin, Frappato, cépage rouge lié à la ville de Vittoria, dans la région de Raguse, aujourd’hui 1 030 ha sont cultivés, notamment entre Syracuse et Raguse. Il produit de vins plutôt légers et fruités.
Lors des deux masterclass organisés durant le symposium, nous avons pu apprécier la diversité des cépages siciliens. Les cépages comme le Nero d’Avola et le Catarratto offrant déjà une très large gamme de saveurs. Chaque cépage comporte plusieurs clones, illustrant l’adaptabilité des plants aux différentes conditions environnementales et climatiques de l’Ile.
La première masterclass concernait les cépages les plus répandus sur l’ile, à savoir le Nero d’Avola (15.300 ha), le Catarratto (environ 10.000 ha) et le Grillo (8570 ha). Ce qui nous a permis de voir la richesse gustative de ces cépages avec leurs différences selon les zones et les clones.
La seconde a mis en lumière d’autres cépages autochtones, de cépages un peu moins répandus, comme l’Insolia (4417 ha), le Zibbibo (2825 ha), le Frappato (1030 ha), le Perricone, alias Pignatello (585 ha). Le voyage gustatif à travers toute la Sicile, qui a prouvé haut et fort sa richesse viticole.
Pour conclure un mot sur la récolte 2024
Des raisins sains et d’une grande qualité malgré la sécheresse mettant à l'épreuve les vendanges siciliennes 2024 avec un baisse moyenne d’environ 20%, selon les zones et les cépages.
C’est une vendange la plus longue d'Italie avec 100 jours de récolte de l’ouest en l’est caractérisée par la sécheresse, mais aussi par l'innovation et la capacité des vignerons à donner des résultats efficaces et à adopter des mesures agronomiques et techniques capables de gérer la crise de l’eau. Une récolte dont on se souviendra, pour son excellence qualitative, pour la résilience de vignes indigènes ou non et surtout pour cette extraordinaire variété qui distingue la viticulture sicilienne.
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