Voici quelques propos de Philippine de Rothschild sur le sujet plus que passionnant : « vin/terroir mythique »…
« Je trouve que c’est assez difficile de répondre à une question comme celle-ci, au fond je trouve toujours un petit peu excessifs les mots qu’on emploie pour parler des choses. Un mythe c’est un mythe…
Le mythe est quelque chose de très, très fort, qui rapporte à la Grèce, aux grandes idées, aux grandes folies des hommes… Le mythe de Sisyphe…par exemple. Et je trouve que parler de « vins mythiques » c’est une déviation du mot. Alors j’aime mieux, qu’on parle de très Grands Vins, de Vins Exceptionnels. Et ça je crois que c’est assez simple, il y a un mot « clef » comme le mot « qualité ». Mais attention, bien évidemment ça ne se mesure pas sur une année, la qualité ici se mesure sur 100, 150 ans…
Quand aujourd’hui je débouche une bouteille de 1870 et que je trouve un vin sublime, plus que buvable, qui a encore presque des tannins, qui a encore une rigueur, une complexité, bref un vrai vin ! Et bien je me dis : c’est ça ce qu’on fait à Mouton (et dans tous les grands crus de bordeaux, parce que je ne suis pas la seule) des vins d’une qualité exceptionnelle depuis très longtemps. C’est cette espèce de longueur de temps qui fait qu’on se conforte dans la qualité et qu’on fait des progrès tous les ans.
Si on fait une petite comparaison avec nos étiquettes qui sont illustrées chaque année par l’oeuvre d’un grand peintre et ce depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui avec ce dernier millésime celui de 2008, nous avons fait des étiquettes tous les ans et tous mes amis qui me copient vont mettre 50 ans, 60 ans à faire ce que nous avons fait, parce que notre collection est immense et il faudra beaucoup de temps pour la faire. Et bien c’est un peu comme le vin, il faut encore beaucoup de temps aux Californiens, aux Chiliens…
Bien évidemment le facteur humain est très important, pas uniquement le terroir.
Maintenant, ne soyons pas trop nationalistes, je pense que des gens de nations très différentes peuvent venir faire du vin à Bordeaux, qu’ils font déjà de très, très grands vins. Parce qu’il y a un autre mot, il y a les Hommes mais il y a un mot fondamental, le Terroir. Ce n’est pas seulement la terre comme dit le mot, mais c’est aussi le vent, le soleil, l’orientation. Et les Hommes c’est aussi le terroir, vous avez raison !
Malheureusement, les grands terroirs ne font pas forcément des Grands Vins, car ils ne sont pas exploités comme il le faut, par les hommes qu’il faut. Ils ont été achetés par des personnes qui n’ont pas cet amour, cette vocation. Faire un Grand Vin c’est une vocation, je crois que c’est important d’être complètement « dedicated » comme on dit en Anglais. Complètement passionné, mais il faut vraiment être dedans. Ce qui se passe c’est qu’il y a des terroirs qui mériteraient certainement des gens plus évolués, qui ont cette intelligence de savoir l’écouter»