La Romanée Conti se mérite... dégustation de 2013 sur fût...
C’était une très belle journée de mai, avec un beau soleil et un ciel bleu azur, que demander de plus ? C’est le Jour-J pour mon RDV au Domaine de la Romanée Conti. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que je me rends au domaine, mais à chaque fois le sentiment reste le même, je me sens comme une débutante, émue… C’est presque un pèlerinage qui me conduit en silence dans ce lieu qui peut paraître tout à fait ordinaire, mais qui est tout simplement extraordinaire…!
Quand on franchi la porte du domaine, en pénétrant dans la cours, on commence à se sentir diffèrent, complètement habité par ce lieu monastique.
La cave (une des caves du domaine) se trouve dans cet ancien vendangeoir des Moines de Saint-Vivant de Vergy. C’est ici que les moines avaient leur cuverie et leurs caves. Le bâtiment et les caves ont été rénovés et mis en service en 2010, et aujourd’hui ces caves abritent pour élevage les millésimes impairs de tous les vins du domaine, dont 2013, celui que je m’apprête à goûter tout à l’heure.
J’essaie tout doucement d’apprivoiser ce lieu, car c’est la première fois que j’allais pénétrer dans cette cave de moines de Saint-Vivant.
Dans le vestibule du bâtiment principal où se trouvait la cuverie au temps des Moines, aujourd’hui transformé en bureaux, je croise Bernard Noblet, maître de chai. C’est avec lui que je faisais des dégustations auparavant. Je comprends qu’il a beaucoup de travail à la cave aujourd’hui : ce sont les soutirages sur le Corton.
Nous allons poursuivre la visite et la dégustation avec Bertrand de Villaine, le neveu de Mr Aubert de Villaine.
Il nous met toute suite à l’aise en racontant tout d’abord l’histoire des Moines de Saint-Vivant qui étaient bien à l’origine des vignobles de la Romanée Conti et de la Romanée Saint-Vivant, considérés à juste titre comme les plus grandes vins au monde !
L’Abbaye de Saint Vivant fondée au IXème siècle, devenu Prieuré clusien au XIIème, maintient le souvenir d’une communauté monastique établie à Vergy, il y a plus d’un millénaire. En 1131 ils défrichent « la terre inculte de Flagey et de Vosne », donation du duc de Bourgogne, créant ainsi des terroirs, complétés par quelques rachats de vignes limitrophes (au XIIIème) qui vont devenir la Romanée Conti et la Romanée Saint-Vivant…
On franchit à présent la porte de la cave et on pénètre dans le royaume de Saint-Vivent. Dans le calme absolu, la sérénité et une atmosphère monastique, reposent les barriques (pièces) sagement alignées de tous les vins du domaine sur le millésime 2013.
Bertrand nous explique le millésime avec tous ses aléas climatiques, floraison tardive, coulure, millerandage, printemps catastrophique, climat humide, les pluies qui arrêtent et retardent les vendanges, bref rien ne réjouissant…! A l’arrivée, miracle… Si ce n’est pour les quantités (rendement très faible de 18 hl/ha en moyenne, pour un millésime normal il est de 25 hl/ha), les vins se goûtent parfaitement, rien d’anormal, tout y est, la structure, les fruits, les tannins très nobles, pas de sècheresse, une belle finesse et la fraîcheur. Comme le souligne Bertrand, la nature est vraiment formidable, intelligente. La vigne s’auto protège, elle se régule naturellement à condition de bien la travailler, être vigilant et surtout savoir l’écouter…
Pour la futaille, c’est toujours François Frères à 90%, et bien sûr, toujours la rafle, vendange entière à 70-80% sur 2013.
Le temps de la dégustation est arrivé, le silence apparait de nouveau, les papilles se préparent à cet exercice sans pareil…
Bertrand avec sa pipete prélève de barrique en barrique un peu de ce breuvage divin et le met tout doucement dans nos verres… Chacun à sa façon essaie d’apprivoiser ce moment exceptionnel !
Echézeaux (4,6737 ha)
Attaque nette, puissant, note de cerises noires, jolie concentration, tanins serrés, pas d’agressivité, finale fraiche, réglissée.
Grands Echézeaux (3,5263 ha)
Toucher soyeux, petits fruits rouges croquants, framboise, belle profondeur, tanins très fins, élégant, belle acidité en finale.
Romanée Saint-Vivant (5,2858 ha)
Toucher fin, note florale très prononcée, petits fruits rouges acidulés, excellente matière, précis, droit, tanins poudreux, grande élégance et fraicheur en finale.
C’est le vin préféré de Bertrand de Villaine, paraît-il. Certes, je peux comprendre, il a une dimension tout à fait différente dans cette partie de la cave qui ressemble étrangement à une petite chapelle secrète de Moines…
Richebourg (3,511 ha)
Attaque fraiche, note florale, rose séchée, cerise noire, petite note vanillé (prise de bois peut-être un peu plus importante), structure tannique fine, finale fraiche légèrement mentholée.
La Tâche (Monopole de 6,062 ha)
Toucher frais, petite réduction qui s’en va rapidement, note florale, petits fruits rouges, fraise de bois, framboise, tanins nobles, finale toute en longueur, très fraiche.
La Romanée Conti (Monopole de 1,814 ha)
Toucher très fin, vin presque aérien, note florale avec quelques pétales de rose, petits fruits noirs légèrement acidulés, framboise, tanins poudreux, soyeux, vin d’une grande élégance et modestie, avec une finale fraiche, délicate et très longue, pureté exceptionnelle d’un pinot noir bourguignon.
Je prends de plus en plus de conscience que c’est un vin de méditation, qui a besoin être apprivoisé toute en douceur.
Je ne cache pas que, quand je le mets en bouche, c’est une vibration qui passe, qui immobilise l’instant présent, c’est une émotion unique et sans pareil, qui me laisse sans voix…
Après cette expérience gustative, changement de décor. En traversant le village de Vosne, me voilà dans la cave principale, là où se trouve le chai, là où l’on stocke les précieux flacons et là où sont élevés les millésimes pairs.
Heureusement, la dégustation n’est pas encore finie. Bertrand de Villaine apporte sous les bras un flacon couvert d’une couche de poussière. Elle sort directement de la cave, c’est la fameuse bouteille mystère, c’est un blanc.
On essaye de trouver le cru, le millésime, peut-être un Montrachet ? Le Domaine possède une toute petite parcelle de 0,6759 ha, peut être autre chose…?
En réalité, c’est un Bâtard Montrachet 2007 (!), millésime de préciosité, qui a donné d’excellents résultats, explique Bertrand de Villaine.
C’est un vin qui n’est pas du tout commercialisé. Le domaine possède juste 17 ares d’une très vieille vigne de 85 ans qui produit une à deux pièces selon les années.
Ce n’est même pas qualifiable avec des mots d’avoir la possibilité de goûter cette petite merveille !
Attaque fraiche, droit, belle note grillé, noisette, petits bonbons acidulés, ananas rôti, excellent persistance, fraîcheur et grande finesse, longueur sans fin.
Encore un grand moment de dégustation…!
Je ne peux pas fermer ce chapitre sans faire un grand zoom sur la Romanée Conti :
Au cœur de la Côte de Nuits en plein milieu des climats de Vosne-Romanée, la Romanée Conti est celui dont la réputation est à son juste titre la plus éclatante. Cette minuscule parcelle de vignes de 1,814 ha est une véritable Reine parmi d’autres grands crus qui l’entourent. Sa position toujours considérée comme la plus avantageuse, ni trop haute, ni trop basse (à 260 m d’altitude) parfaitement au milieu pour que le fruit obtienne la plus parfaite maturité. Plus élevée à l’occident, exposée vers le soleil levant, elle capte les premiers rayons du soleil matinal, qui lui procure la plus douce chaleur du jour. Par sa petite taille, ainsi que sa position géographique on aurait pu considérer, que son sol est très homogène. A vrai dire, il est très nuancé entre le haut et le bas de la parcelle. Le sol du bas a une profondeur qui varie entre 30 et 50 cm et repose sur du calcaire à entroques. Le sol du haut est plus profond et repose sur une couche de marne jaune avant d’atteindre le calcaire à entroques. La pierrosité est beaucoup plus importante en haut de la parcelle qu’en bas. Ceci est variable en surface mais surtout en profondeur. En revanche la texture du sol entre le haut et le bas varie très peu, avec 40% d’argiles, 35% de limon et 25% de sable. Le Pinot Noir de type fin et très fin s’y plaît beaucoup et toute cette alchimie fonctionne à merveille pour donner le meilleur d’elle-même.
En conclusion, j’évoquerai cette phrase de Mr Auber de Villaine, qui en quelques mots définit parfaitement la philosophie du domaine :
« Nous sommes les gardiens d’une certaine philosophie du vin et surtout nous sommes soucieux de la perfection des détails », « nous n’avons pas droit à l’erreur… »
Et maintenant, il est temps d’aller dans les vignes…